MICROBIOTE INTESTINAL : Il module l'efficacité du traitement de Parkinson
A la question "comment les bactéries intestinales affectent-elles le traitement de la maladie de Parkinson" -car elles jouent un rôle clé- cette étude de l’Université de Groningue (Pays-Bas) nous apporte une réponse claire : la présence de plus de bactéries produisant l'enzyme tyrosine décarboxylase (TDC) induit moins de lévodopa dans le sang. Ces travaux, présentés dans la revue Nature Communications, ajoutent également aux preuves du rôle clé dans la santé de ce fameux axe intestin-cerveau. Ils renforcent l’espoir de pouvoir traiter les maladies neurologiques aussi, en ciblant le microbiote.
Les patients atteints de la maladie de Parkinson sont traités avec de la lévodopa, une substance convertie en dopamine, un neurotransmetteur clé dans le cerveau. Ces scientifiques de l'université de Groningue montrent que les bactéries intestinales peuvent contribuer à la transformation de la lévodopa en dopamine. La dopamine ne pouvant pas franchir la barrière hémato-encéphalique, le médicament est donc moins efficace, même en présence d'inhibiteurs qui devraient empêcher la conversion de la lévodopa.
Les bactéries intestinales peuvent affecter le cerveau, rappelle l’auteur principal, Sahar El Aidy, professeur en microbiologie : « Il existe un dialogue chimique continu entre les bactéries intestinales et le cerveau, c’est le fameux axe intestin-cerveau ». L’équipe étudie précisément ici la capacité du microbiote intestinal à influer sur la biodisponibilité de la lévodopa, le médicament utilisé dans le traitement de la maladie de Parkinson.
Aider la lévodopa à passer Barrière hémato-encéphalique : Le médicament lévopoda est généralement pris par voie orale puis absorbé dans le petit intestin puis transporté par le sang jusqu'au cerveau. Cependant, les enzymes décarboxylases peuvent convertir la lévodopa en dopamine. Et contrairement à la lévodopa, la dopamine ne peut pas franchir la barrière hémato-encéphalique ; les patients reçoivent donc également un inhibiteur de la décarboxylase. Mais les niveaux de lévodopa qui vont atteindre le cerveau varient fortement entre les patients atteints de la maladie de Parkinson. Quel est donc le rôle joué par le microbiote d’un patient à l’autre, dans cette biodisponibilité ?
La bactérie Enterococcus, source de décarboxylase : dans les échantillons bactériens de l'intestin grêle de rats, l‘équipe identifie une activité de l'enzyme bactérienne tyrosine décarboxylase, qui convertit normalement la tyrosine en tyramine, mais qui convertit aussi la lévodopa en dopamine. Alors que les patients atteints de Parkinson reçoivent un inhibiteur de la décarboxylase, l'étape suivante consistait à tester l'effet de plusieurs inhibiteurs de la décarboxylase humaine sur l'enzyme bactérienne. Les chercheurs constatent alors, entre autres résultats, que « l'inhibiteur Carbidopa » inhibe plus de 10.000 fois la décarboxylase humaine.
La tyrosine décarboxylase bactérienne réduit la biodisponibilité de la lévodopa chez les patients atteints de Parkinson : l’analyse d’échantillons de selles de patients traités à la dose normale ou élevée de lévodopa montre que l'abondance du gène bactérien codant pour la tyrosine décarboxylase est en corrélation avec le besoin d'une dose plus élevée du médicament et que des niveaux plus élevés d'enzymes bactériennes dans l'intestin grêle de rats, réduisent les taux de lévodopa dans le sang. Enfin, la durée de la maladie apparaît positivement associée aux niveaux de tyrosine décarboxylase bactérienne. Alors que certains patients atteints de Parkinson développent une prolifération de bactéries dans l'intestin grêle, en particulier d’entérocoques -en raison de l'absorption fréquente d'inhibiteurs de la pompe à protons prescrits pour traiter les symptômes gastro-intestinaux associés à la maladie-, cela entraîne un cercle vicieux conduisant à une augmentation des doses de lévodopa mais aussi d’inhibiteur de la décarboxylase.
En synthèse, des niveaux élevés de l'enzyme bactérienne tyrosine décarboxylase peuvent expliquer pourquoi certains patients ont besoin de doses de lévodopa plus fréquentes et plus élevés pour traiter leurs difficultés motrices. Or, une dose plus élevée entraînera une dyskinésie, l'un des principaux effets secondaires du traitement par la lévodopa. Il sera donc à terme possible -et opportun- d’agir sur le microbiote pour réduire ces niveaux de TDC.